HASNA EL BECHARIA aura attendu près de trente ans avant de sortir un premier album inespéré, « Djazair Johara » (2001). Après plus de cinquante ans, la rockeuse du désert enregistre, enfin, ses mélodies intemporelles entre transe ancestrale, complaintes marocaines et airs gnawis.
Originaire de Béchar – Sud saharien –, Hasna est une femme du désert, éperdument libre, libertaire même. Fille d’un des maîtres du « Diwân » – rite nocturne où l’assemblée écoute et participe en tapant des mains ou sur des objets usuels, reprend les refrains –, elle s’exerce la voix, très jeune, et dynamise très vite les soirées. Elle se met rapidement à la guitare, son instrument fétiche, qu’elle fait résonner comme un luth ou un banjo – dont elle joue aussi très bien – . Dès 72, elle monte son propre groupe, épaulée par trois amies – Zohra et Kheira sont encore avec elle – que l’on s’arrache de mariages en banquets. Pour couvrir les voix, elle est obligée de passer à la guitare électrique tant l’ambiance est explosive pendant ses concerts. Elle devient célèbre dans tout le Sud algérien. Mais refuse systématiquement un quelconque enregistrement « je n’avais pas confiance ».
En 76, elle joue à Béchar pour l’Union des femmes algériennes. Énorme succès. Hasna n’a qu’une idée en tête « faire de la musique ». Elle n’a que faire du succès, de l’argent et du qu’en dira-t’on. Elle parle peu, n’explique rien. Outre son engagement total pour la musique, cette forte tête, devenue l’homme de la famille après la désertion de son père, défend aussi les femmes battues et délaissées au grand dam des intégristes.
On ne la découvre en France qu’en 1999 au Cabaret Sauvage, invitée dans le cadre du festival des « Femmes d’Algérie ». C’est la surprise et le triomphe. Elle transporte avec sa musique incroyable où se mêlent le désert, les traditions immémoriales, la modernité ou Paris. Cette grande dame impériale surprend par son jeu puissant et son sens inné du rythme. Sa pratique musicale va du Diwân au Foundou en passant par le répertoire populaire haddoui – celui des mariages arabo-berbères -. Elle joue à merveille du gumbri – qu’elle pratique en huis clos chez elle – , derbouka, bendir ou banjo, de l’oud, sans oublier la guitare électrique. Elle a su inventer une musique sans frontières, à la croisée des chemins de l’Afrique du Nord qui marie la flûte peule, les karkabous du Sud-Est, le chant généreux du Sud saharien et les gumbris virtuoses. Elle n’a pas hésité à ajouter des sonorités d’ailleurs – hajouj marocain, derbouka tunisienne –.
Aujourd’hui, elle continue d’explorer le son des guitares, de travailler sur les timbres vocaux, d’improviser et de se nourrir avec de nouvelles rencontres. Sur scène, c’est le délire. Cette « mangeuse de scène » entraîne tout à chacun dans un mouvement de transe, un voyage hypnotiques aux couleurs électriques. À découvrir absolument !
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